Avis négatifs dénigrants publiés sur internet

TJ Paris, 22 juin 2022.

« L’article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Même en l’absence d’une situation de concurrence directe et effective entre les personnes concernées, la divulgation, par l’une, d’une information de nature à jeter le discrédit sur les produits, les services ou les prestations de l’autre peut constituer un acte de dénigrement, ouvrant droit à réparation sur le fondement de l’article 1240 du code civil.

Cette divulgation n’entre pas dans les prévisions de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, dès lors qu’elle ne concerne pas la personne physique ou morale.

En application des règles régissant la responsabilité délictuelle de droit commun, il appartient toutefois au demandeur de prouver l’existence d’une faute commise par l’auteur des propos, un préjudice personnel et direct subi par lui et un lien de causalité entre cette faute et le préjudice.

En outre, s’agissant d’une restriction au principe fondamental de la liberté d’expression, la responsabilité civile de l’auteur des propos doit s’apprécier strictement.

Ainsi, lorsque l’information se rapporte à un sujet d’intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante, cette divulgation relève du droit à la liberté d’expression, qui inclut le droit de libre critique, et ne saurait être regardée comme fautive, sous réserve que soient respectées les limites admissibles de la liberté d’expression.

En l’espèce, les commentaires dénoncés par la société R… dont le caractère public est établi par le constat d’huissier précité, doivent être considérés ensemble dès lors qu’ils ont été mis en ligne dans un court laps de temps sur la page exploitée par la demanderesse et qu’ils se distinguent des autres commentaires puisqu’ils sont les seuls à formuler une critique négative parmi les vingt-sept qui y sont recensés.

Ces messages expriment une critique sévère et sans nuance de la qualité des services et prestations fournis par la société demanderesse sous l’enseigne qu’elle exploite, en remettant en cause le résultat et les conditions de réalisation de travaux de rénovation supposés, tant au travers des termes employés que de la note attribuée à la société selon le barème propre aux avis Google my business, qui est ici, à chaque fois, de une étoile sur cinq. (…).

Il est établi que ces avis négatifs ont tous été rédigés par Mme X. et qu’ils revêtent un caractère mensonger (…).

Ainsi, loin de relever du droit à la libre critique de produits ou prestations de services, ces messages frauduleux, qui ne reposent sur aucune base factuelle, procèdent d’une intention de nuire de la demanderesse et caractérisent un dénigrement fautif au sens de l’article 1240 du code civil au détriment de la société R…

* Sur les demandes de réparation

Il est admis que tout acte de dénigrement fautif occasionne à celui qui en est l’objet un préjudice moral ouvrant droit à la réparation, le préjudice étant inhérent à l’atteinte à sa notoriété, à sa réputation et à son image.

Il appartient toutefois au demandeur de justifier de l’étendue du dommage allégué, l’évaluation du préjudice étant appréciée de manière concrète, au jour où le juge statue, compte tenu de la nature des atteintes, ainsi que des éléments invoqués et établis. »



Alexandre Bories
  • Avocat à la Cour - Docteur en droit
  • Spécialiste en droit de la propriété intellectuelle
  • Spécialiste en droit du numérique et des communications
Avocat Spécialiste
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